CANCERS COLORECTAUX EN OCCLUSION : A PROPOS DE 131 CAS COLLIGES AU CHU DE CONAKRY
Touré Aboubacar | SOUMAORO LT | SOUMAH ML | CAMARA IS | BANGOURA S |
La tunisie chirurgicale - 2017 ; Vol 2017
But : Considérés rares dans nos régions, les cancers colorectaux sont souvent diagnostiqués au stade d’occlusion colique aigue. Le but de cette étude était de rapporter les aspects épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et anatomopathologiques des cancers colorectaux en occlusion.
Patients et Méthode: Il s’agissait d’une étude rétrospective de 20 ans, allant du 1er janvier 1995 au 31 Décembre 2014 portant sur les dossiers de malades admis et opérés dans notre service pour cancer du colon et du rectum en occlusion.
Résultats : Sur 339 cas de cancers colorectaux colligés, 131 cas étaient en occlusion soit une proportion de 38.64. Il s’agissait de 84 hommes et 47 femmes avec un sex -ratio H/F= 1.79. L’âge moyen était de 52,18 ans avec des extrêmes de 20 ans et 75 ans. Tous nos patients ont été admis en urgence et seuls une radiographie de l’abdomen sans préparation et les examens biologiques de routine ont pu être réalisés. Le sigmoide a été la localisation la plus fréquente (81 cas) suivi du rectum (32 cas). Les tumeurs de stade C de Dukes étaient les plus représentées (102 cas).
Le taux de résécabilité des tumeurs était de 35,88%. Il n’y a pas eu de traitements adjuvants pour tous les malades. L` adénocarcinome bien différencié a été le type histologique le plus observé (75%). La mortalité péri opératoire a été de 21,37%. Après 2 ans de suivi post opératoire, nous avons observé 39 récidives tumorales et 45 décès.
Conclusion : les cancers colorectaux en occlusion représentent une situation d’urgence fréquente dans notre milieu. La sensibilisation de la population et la vulgarisation de la pratique de l’examen endoscopique en vue d`un diagnostic précoce pourraient améliorer le pronostic de cette pathologie.
Cancer colorectal, Occlusion colique, Prise en charge, CHU de Conakry
Le cancer colorectal est le troisième cancer dans le monde et la deuxième cause de décès lié au cancer [1]. Mais, ces néoplasmes sont réputés rares chez les noirs [2]. En Guinée, ils viennent en deuxième rang derrière les cancers de l’estomac [3].
Dans notre contexte, l’insuffisance des moyens d’investigation diagnostiques et la faiblesse des ressources financières de nos populations rendent difficile la prise en charge des cancers coliques. En effet, les malades sont souvent reçus au stade de complications (occlusion colique aigue) avec des répercussions majeures aussi bien sur le plan local que général. Les difficultés de leur prise en charge en milieu défavorisé sont en rapport avec la prise de décision opératoire (jeune chirurgien inexpérimenté en situation d’urgence) et les problèmes d’anesthésie réanimation. Du point de vue thérapeutique, il n’y a pas de consensus quant au choix de l’attitude à adopter devant un cancer colique gauche en occlusion aigue: chirurgie en un ou plusieurs temps opératoires, ou encore la mise en place par voie transanale d’une prothèse métallique auto expansive [4-9].
Le but de cette étude était de rapporter les aspects épidémiologiques, cliniques, thérapeutiques et anatomopathologiques des cancers colorectaux en occlusion colligés au CHU de Conakry.
Patients et méthode:
Il s’agissait d’une étude rétrospective de 20 ans (allant du 1er janvier 1995 au 31 Décembre 2014) portant sur les dossiers de malades admis et opérés au CHU de Conakry pour un cancer primitif du colon et/ou du rectum en occlusion. Ont été inclus dans cette étude tous les malades ayant un dossier médical complet comportant une observation médicale, un compte rendu opératoire, un compte rendu de l’examen anatomopathologique et un suivi post opératoire d’au moins deux ans.
Ont été étudiés la fréquence, le profil sociodémographique des patients, les aspects
Cliniques, thérapeutiques et anatomopathologiques.
Les restrictions dans la possibilité des investigations endoscopiques, échographiques, scannographiques, IRM et biologiques (marqueurs tumoraux) ainsi que l’absence de suivi au long terme ont été les limites et contraintes de cette étude.
Résultats
Sur une période de 20 ans, nous avons colligé 339 dossiers de cancers colorectaux, dont 131 cas étaient en occlusion colique aigue soit une fréquence de 38,64%. Ces cas concernaient 84 hommes et 47 femmes soit un sex-ratio de 1,79. L`’âge moyen des patients était de 52,18 ans avec des (extrêmes: de 20 ans et 75 ans).
Tous nos patients ont été admis en urgence et le tableau clinique était essentiellement dominé par la tétrade symptomatique de l’occlusion (douleur abdominale, vomissement, arrêt des matières et gaz, météorisme abdominal) dans tous les cas, la distension abdominale (n=122), l’amaigrissement (n=53). La tumeur était palpable au toucher rectal chez 12 malades. La radiographie de l’abdomen sans préparation a été le seul examen d’imagerie réalisé chez nos malades.
Dans les antécédents personnels, nous avons noté 49 cas (37,40%) de notion de rectorragies traitées dans diverses structures sanitaires pour des hémorroïdes. Aucune notion d’antécédents familiaux de cancer et/ou de polype colorectal n’a été signalée.
Le diagnostic préopératoire de cancer du colon et/ou du rectum n’a été possible que chez 23 malades (17,56%).
Tous les patients ont été opérés en urgence sous une anesthésie générale. La figure 1 représente les différents siège de la tumeur responsable de l`occlusion. Selon la classification de Dukes, 77,86% (n=102) des malades avaient une tumeur de
stade C et 22,14% (n=29) de stade D. Le taux de résécabilité des tumeurs était de 35,88% (n=47). Le tableau I illustre le type d`intervention réalisé selon le siège de la tumeur. Dans la série, il n`ya pas eu de chimiothérapie et/ou de radiothérapie. L’adénocarcinome bien différencié a été le type histologique le plus fréquent (75%).
La morbidité était dominée par la suppuration pariétale (n=49), l’éviscération (n=13) et la fistule digestive par désunion de l’anastomose (n=9). La mortalité péri opératoire était de 21,37% (n=28). Après un suivi de deux ans, 39 cas de récidive tumorale locale (diagnostic clinique et/ou endoscopique) et 45 cas de décès ont été enregistrés. La perte de vue des malades n’a pas permis d’évaluer la survie à 5 ans.
Discussion:
Sur une période de 20 ans, nous avons colligé 131 cas de cancers colorectaux en occlusion représentant une fréquence de 38,64% (n=339). Des résultats similaires ont été retrouvés par Raveloson JR et colls. [10] au Madagascar (49%), Akinola DO .et colls.[2] Essiet A et colls. [11] au Nigeria (respectivement 65.35% et 32.26%). Par contre, Millat B [4] a rapporté en France, 16 % des cancers colorectaux au stade d'occlusion. Cette différence traduit le retard diagnostique des cancers colorectaux en milieu africain. La prédominance masculine et l’âge moyen observés dans notre étude étaient superposables à ceux rapportés par Akinola DO et colls [2] au Nigeria.
L’association douleurs abdominales, vomissements, arrêt des matières et gaz sur terrain d’amaigrissement a été le principal motif de consultation des malades. Dans la série de Raveloson et colls. [10] les signes révélateurs étaient dominés par les troubles du transit et la douleur abdominale. La notion de rectorragies retrouvé dans les antécédents de certains de nos malades corrobore a l`étude de Akinola DO et colls. [2] qui ont rapporté 29,92% cas de rectorragie massive Le toucher rectal de pratique systématique dans notre contexte devant toute occlusion intestinale a été peu contributif au diagnostic de tumeur rectale contrairement au taux de 64,28 % rapporté par Harouna YD et colls. [12]. La prédominance de la localisation gauche observée dans notre série et celle de Raveloson JR et colls. (59,45 %) [10] renforce l`idée que les tumeurs coliques sont sténosantes et celles droites hémorragiques.
La tendance de nos populations à recourir en premier lieu au traitement traditionnel en cas de troubles du transit, le manque d`intérêt ou de connaissances de certains agents de santé pour les pathologies néoplasiques ont contribué au retard de diagnostic noté dans cette étude.
La chirurgie à visée curative a été réalisée dans 35,88% des cas, et nous avons réalisé 22,41% de colostomie définitive. Dans leur étude, Raveloson JR et colls. [10] ont rapporté respectivement 73% et 16,12%. Dans la littérature, qu’il n’y a pas de consensus quant au choix de la technique opératoire devant l’obstruction aigue du colon gauche par un cancer. Dans leurs études, Arnaud JP et colls [5] ainsi que Tohmé C et colls [7] estiment que la réalisation de la colectomie subtotale ou totale avec anastomose en un temps est une méthode sure et efficace permettant de traiter à la fois le cancer et l’occlusion. Pomazkin VI et colls [8] par contre rapportent l’avantage de la chirurgie en deux temps opératoires c'est-à-dire colostomie de décompression d’abord, puis résection tumorale radicale en suite ; entraînant une radicalité élevée et une amélioration de la qualité de la vie. Par ailleurs, les avantages liés à la mise en place par voie transanale d’une prothèse métallique auto expansive (stent) dans la prise en charge du cancer colorectal obstructif ont été rapportés par certains auteurs [4, 6, 9].
La morbidité dominé par l’infection et la mortalité élevée dans notre étude sont similaires aux résultats des séries africaines [10, 12, 13].
Conclusion:
L’occlusion intestinale aigue demeure un important mode de révélation du cancer colo rectal dans notre milieu. Ce contexte d’urgence aggrave le pronostic en raison de l’insuffisance des moyens de réanimation et des compétences des équipes chirurgicales de garde.
La levée de l’obstacle et le rétablissement du transit intestinal (par une colectomie idéale ou une colostomie) constituent la priorité dans la prise en charge en urgence de cette affection.
|
![]() |
1. Ricchi P, Zarrilli R, di Palma A, Acquaviva AM.
Nonsteroidal anti-inflammatory drugs in colorectal cancer: from prevention to therapy.
Br. J Cancer 2003; 88:803–7
Pattern and presentation of large bowel neoplasms in Nigerians
Cent Afr J Med. 1994; 40 (4): 98-102
3. Diallo A, Touré A, Touré MK, Loua NR, Delamou AD, Sylla A, Koulibaly M,
Camara ND.
Cancer de l’estomac, aspects epidemiologique dans les services de chirurgie du CHU de Conakry.
Guinée Med 2004; 45: 41-9.
4. Millat B
Traitement des cancers coliques en occlusion : chirurgie ou stents ?
e-mém 'Acad Nat Chir 2005 ; 4 (2): 12-14
Emergency subtotal/total colectomy with anastomosis for acutely obstructed carcinoma of the left colon.
Dis Colon Rectum. 1994; 37 (7): 685-8.
6. Park IJ, Choi GS, Kang BM, Lim KH, Lee IT, Jeon SW, Jun SH
Comparison of One-Stage Managements of Obstructing Left-Sided Colon and Rectal Cancer: Stent-Laparoscopic Approach vs. Intraoperative Colonic Lavage.
J Gastrointest Surg. 2009 ; Jan 22.
7. Tohmé C, Chakhtoura G, Abboud B, Noun R, Sarkis R, Ingea H, Farah P,
Subtotal or total colectomy as surgical treatment of left-sided occlusive colon cancer
J Med Liban. 2008; 56 (4): 198-202.
Surgical tactics of obturative large bowel tumor obstruction
Khirurgiia (Mosk). 2008; 9: 15-8
9. Shomura H, Takahashi M, Saitoh H, Nakano S, Akabane H, Yanagida N, et al.
Expandable metallic stent treat
ment for obstructive colorectal cancer patients.
Gan To Kagaku Ryoho 2008; 35 (12): 2195-7.
10. Raveloson JR, Rantomalalah YH, Rakotoarisoa B, Rakotobe TB Tovone GX,
Gizy RD et al.
Prise en charge des cancers du colon en occlusion au centre hospitalier de Soavinandriana
Méd Afr Noire 2005, 52 (11): 633-7
11. Essiet A, Iwatt AR
Surgical management of large bowel cancer 1983-1988, University of Calabar Teaching Hospital audit.
Cent Afr J Med. 1994; 40 (1): 8-13
12. Harouna YD, Illo A, Seybou A, Sani R, Saley Z Abdou I et al
Les cancers colorectaux. Notre expérience à propos de 42 cas
Méd Afr Noire 2008 ; 5504: 195-200
13. Kouadio GK, Turquin TH
Left colonic cancer obstruction in Ivory Coast
Ann Chir. 2003; 128 (6): 364-7